La table des icônes ( 1982-1984 )

La table des icônes est un cycle de 4 pièces composées entre 82 et 84. 2 pièces sont des commandes de l’Ina Grm, une dans mon studio et la dernière au Gmvl. L’idée d’en faire une suite (ou un cycle) est venue après coup. Ce qui réunit ces musiques est certainement la notion « d’image acoustique ». L’image acoustique décrit le son enregistré non pas comme un corps sonore (qui serait l’objet supposé dont provient le son) mais comme l’image d’un son. Pourquoi une image ? l’idée est la même qu’au cinéma : on y voit des images, et non des corps vivants comme sur une scène de théâtre. La musique acousmatique est bien une espèce de « cinéma pour l’oreille » à ceci près que l’oreille n’est pas en mesure de savoir qui a produit le son. L’oreille cherche a le savoir mais l’ image ne le révèle pas toujours. C’est toute la dimension poétique de cette musique : jouer avec la causalité (ou source) fantasme de l’image acoustique présentée.

En 1993 , le Gmvl a édité un  Cd pour lequel j’ai modifié certaines des pièces

Passy pazi mou woudé (1982) 20’37

Commande de l’Ina Grm.

Cette pièce a été composée dans le studio 123 qui était le studio numérique du Grm à cette époque. L’ordinateur était gros comme un énorme photocopieur de bureau, le lecteur de disque, comme une machine a laver… etc… les disques durs avaient 4 plateaux superposés de 30 cm et il fallait les saisir avec des instruments particuliers. Ils contenaient probablement 200 mega… c’est à dire environ 100 fois moins que nos téléphones aujourd’hui ! L’ordinateur du 123 proposait des programmes de traitements du son. Il fallait donc venir avec de sequences qu’il fallait numériser puis traiter avec ces programmes. A la fin du processus ont pouvait exporter les résultats sur bande magnétique et retourner composer dans les studio analogiques (magnétophones a bandes, consoles etc….) . Le studio 123 proposait donc une étape de travail dans la composition , celle du traitement sonore. Beaucoup de programmes  proposaient de répondre à un questionnaire via l’écran et le clavier. Par exemple le programme RAL demandait : « De quel coefficient voulez vous ralentir le son ?  » etc… RAL permettait de ralentir un son sans changer sa hauteur (ce qu’un magnétophone ne savait pas faire ! car ralentir la vitesse de lecture faisait plonger le son dans le grave) . La magie du numérique était de faire durer le son plus longtemps sans affecter sa hauteur en recopiant des milliers de petits morceaux de sons. Seules des techniques numériques pouvaient opérer un tel travail. Le temps de travail de l’ordinateur à l’époque était assez conséquent, aujourd’hui il est quasiment invisible.  Par exemple, aujourd’hui  cela se fait en temps réel, c’est a dire qu’on peut changer la vitesse d’un son en même temps qu’on l’écoute.

« Passy pazi mou woudé » travaille sur une séquence sonore qui se passe au bord du fleuve Sénégal attrapée à la radio. Cette image acoustique, cette « phonographie » est déclinée de multiples façons…
Passy parceque c’est la station de métro parisienne où il fallait descendre pour aller à la maison de la radio qui abrite le Grm…
////pazi mou woudé…. c’est ce que je transcris des phonèmes que j’entends dans la séquence sonore…

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La chapelle des eaux (1982) 15′

J’ai composé cette pièce devant mon évier de cuisine… enfin plutôt DANS l’évier. 2 micros, l’évier rempli d’eau, des objets en flottaison, se cognant légèrement les uns aux autres… quelques naufrages provoqués… le très léger clapotis… la bande magnétique fixe cette scène qui devient donc une image sonore… et qui en devient encore une autre en divisant la vitesse du magnétophone par 2. Là, on change d’univers… on est plus dans l’eau mais dans l’aquatique, les chocs deviennent des chants… etc… Le traitement est minimal ! mais terriblement parlant . On est a la limite de l’acte de « composer » mais cela se suffit. Il y a de quoi écouter… et  tout est dans l’écoute !

La version présentée dans le CD est une adaptation : J’ai coupé la pièce pour en faire 2 interludes pour séparer les 3 autres pieces. Initialement, lors de la creation, la pièce faisait 15 minutes… 15 minutes de presque rien.. Je l’ai jouée sur l’orchestre de Haut Parleurs du Gmvl qu’on appelait la « Machine Acousmatique ». Passionnant exercice où j’avais l’impression d’avoir l’attention des auditeurs au bout des doigts. Le monde faux pas dans le déplacement du son dans l’espace (trop loin, trop près, trop fixe, trop mobile….) et je perdais l’attention de mon auditoire. Intense !

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Surfaces de la tête (1983) 22′

Commande de l’Ina Grm. Pièce réalisée dans le studio 116 du Grm et crée au cycle acousmatique. dédiée à François Bayle.

François Bayle est  le compositeur musique acousmatique que j’ai le plus admiré. Ma musique de cette époque (la table des icônes) s’en inspire largement. cela s’entend peut être encore plus dans cette pièce ci. Encore une fois je suis parti d’une séquence sonore (camion poubelle enregistré depuis ma fenêtre du 4e étage) que je vais décliner en différentes présentations. La cause du son ici est presque avouée (on peut certainement reconnaitre qu’il s’agit d’un camion poubelle) mais les valeurs acoustiques de la sequence (tourbillonnement de l’air, rythmique imaginée des coups de poubelle, etc…) orientent mon écoute naturellement d’avantage vers autre chose que la recherche de la causalité. C’est cette richesse poétique, acoustique, qui m’a poussé à interpréter et a ré- interpréter cette scène sonore… de façon de plus en plus fantasmée…

La pièce a été réduite à 16’03 pour le CD

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Vers la lumière (1984) 13’22

Pièce réalisée dans les studios du Gmvl
Pour cette pièce ci, pas de séquence sonore matrice de multiples transformations,  mais un libre parcours au milieu d’images acoustiques variées, des séquences de synthétiseurs très mélodiques, … on y devinera les Percussions de Strasbourg (voix) et des images de leurs merveilleux bols chinois… on y re-croisera nos habitants du fleuve Sénégal qui passaient par là par hasard, puis des myriades de « percussions-résonances » très chantantes, des sons scintillants et légers qui tendent… vers la lumière.

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