IMPROJAZZ 146 (Juin 2008)

Xavier GARCIA RADIORAMA Signature Radio France Dist Harmonia Mundi

A l’heure où la « restructuration » de Radio Franœ vient mettre en péril la spécificité des deux îlots de résistance que sont Franœ Musique et Franœ Culture, tendant à transformer l’une en juke box et l’autre en Trivial Pursuit, le Radiorama de Xavier Garcia vient à point nommé nous rappeler ce que furent les ondes en un passé relativement récent, lorsque le terme de Service Public avait encore un sens. J’imagine bien qu’un tel .propos puisse paraître passéiste, voire réactionnaire. Mais que voulez-vous ? Lorsque le futur nous fait défaut, vers où orienter nos espoirs ?

fi Y aura donc bientôt cinq ans de cela, notre homme orchestre et son drôle de clavier se virent passer une commande par le Groupe de Recherche Musicale (GRM) de l’Institut National de l’Audiovisuel (INA), qui leur ouvrait grandes les portes de la Maison de la Radio et de ses Archives. Imaginez la caverne d’Ali Baba offerte à Aladin et vous aurez une petite idée de ce qu’un esprit curieux et affûté peut concevoir à la vue (à l’écoute !) de tels trésors. La demande en elle-même consistait à peu près à « faire quelque chose avec tout ça ». Aussi Xavier, armé de ciseaux et de colle virtuels, ainsi que d’une bonne dose de fantaisie, se mit-il au travail, défrichant des kilomètres de bande, choisissant les extraits, montant, remontant, additionnant, jetant ou conservant, en une forme de cut’up où le hasard n’aurait eu, cependant, que peu de place. Parallèlement, il composa, décomposa et recomposa de la musique dans un même élan de dislocation créative, puis s’en fut porter le tout à ses plus proches collaborateurs, la vocaliste et

complice de toujours Lucia Recio et le guitariste Alexandre Meyer, un musicien pour lequel il a toujours éprouvé la plus grande admiration.

Et le résultat est là, touffu, énergique, un peu sauvage, même, dans sa frénésie boulimique et sa générosité luxuriante. Lucia chante, enchante, dé-chante, crisse et bouscule à plaisir l’harmonie déjà vacillante du projet. Alexandre Meyer souffle sur les braises électriques de sa guitare et parasite les propos de ces intervenants, tout juste sortis de la poussière, avec une joyeuse irrévérence. Quant au patron de la séance, il tient le clavier, bien sur, mais surtout diffuse, interrompt, met en boucle et structure le tout avec un sens du spectacle radiophonique proprement saisissant.

Au demeurant, les passages choisis suffiraient en eux mêmes à notre bonheur. Imaginez donc ! La première expérience de diffusion stéréophonique – il fallait alors deux récepteurs accompagnée, entre autres, par un Alexandre Meyer plaquant ses riffs rageurs sur les techniques indications de l’expérimentateur. L’inauguration de ladite Maison de

la Radio par les tremolos du Général De Gaulle himself, tandis que Lucia expire en une cascade de hoquets étouffés. Les souvenirs poético réalistes de Patrice Maillard et Michèle Cohen. à vous donner envie de remonter. le temps. Le coup de gueule de Léon Zitrone, issu des Nuits Magnétiques de 1991, celui en direct de Jean Lebrun, durant l’émission Pot-au-feu de 1999, ceux plus collectifs d’animateurs de radios libres en 1985, au sein desquelles on reconnaît la jeune voix de l’ami Coluche. D’inquiétants extraits de nouvelles policières, servis avec leurs bruitages d’époque. Tout et son contraire, passé à la moulinette d’un sampler et amoureusement accouché par trois utopistes passionnés d’actualité, de musique et de rêve ! Un vrai bonheur où connaissance et jouissance se mêlent intimement pour engendrer l’intelligence, et paru, figurez-vous, chez Signature, le label de… Radio France.

Alors, Messieurs les décideurs, je vous en supplie : avant de rayer du paysage hertzien le petit-lait de nos insomnies… Ecoutez donc Radiorama  !

Joël PAGIER